Vie locale, tip #1 : la vie dans un condominium (+++)

Je refais surface au milieu des vacances histoire de prouver que nous sommes toujours en vie :-) et que nous avons survécu au jetlag et au choc temporo-climato-culturel. Nous avons évidemment eu droit à l'épisode "Intestinal flu", j'ai nommé l'incontournable gastro. Mais tout comme notre cerveau, l'estomac s'est habitué.

Passées les premières sueurs, nous découvrons progressivement notre nouveau lieu de vie. C'est cette exploration que j'aimerais partager avec vous. La codification est assez simple : les plus dans le titre indiquent les bons points et les moins, les autres.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, je tiens à vous livrer mes premières impressions sur la vie ici même si j'ai conscience qu'il est trop tôt pour graver tout cela dans le marbre. L'avenir me dira si ces premiers ressentis sont fidèles à notre réalité...

A première vue donc, voici - en vrac - mon palmarès personnel.

Les plus	Les moins
La vie en condo	Le coût de la vie
L’apprentissage de l’anglais	La facture écologique lourde
Le pays des enfants	Le côté polissé, marketé de la ville
Le climat … malgré le taux d’humidité	La toute puissance des automobilistes
Les infrastructures et le côté pratique	Le 3è âge qui bosse
La mixité culinaire et les fruits exotiques	La ségrégation ethnique et raciale
Une porte ouverte sur l'Asie / WE à l'étranger	Le paroxysme de la consommation
La sécurité	...
La propreté et une pollution maîtrisée	…
La diversité ethnique, culturelle et religieuse	...

Je vous donne rendez-vous dans 2 ans pour voir si ces premières impressions se sont confirmées.... ou pas !

Aujourd'hui, j'aborde le sujet  "vie dans un condominium".

La vie de château ?

Le "condo" est une résidence de haut standing, généralement un building de plusieurs étages comportant des appartements spacieux, modernes, climatisés, disposant de 2 ou 3 salles de bains, buanderie, de grandes baies vitrés ouvrant sur terrasse, arrière-cuisine, entrée de service, etc.

La résidence intègre des parkings en sous-sol, des espaces de jeux pour les enfants, plusieurs piscines, jacuzzi, hammam, salle de sport, barbecues en libre-service, salle pour invités, salons privés autour de la piscine, etc. Une équipe de 7 personnes dont une majorité de troisième âge- j'y reviendrais dans un prochain post - travaille en permanence dans le nôtre et assure le management, le gardiennage, le ménage, l'entretien des piscines et des nombreux ascenseurs.

L'ascenseur débouche directement dans l'appart...très appréciable !

Comme vous vous en doutez, les filles profitent des balançoires, des piscines. Il faut dire que la plupart du temps, les équipements du condo sont déserts. Même le WE, la fréquentation reste très partielle avec un maximum de 8/10 personnes en période de pointe. Certes, les singapouriens sont en classe (seuls les écoles étrangères sont en vacances en Juillet/Août) mais le soir ? le WE ? Ou vont-ils ? Que font-ils ? Et les enfants non scolarisés me direz-vous ? On les voit, bien sûr, accompagnés de leurs maids qui (en vrac) ne savent pas nager, craignent de foncer au soleil et se rabattent sur l'espace jeux de 60 m². A moins que ce soit à cause de la croyance persistante de leurs employeurs chinois les accusant de colporter des MST ou parce qu'elles sont tout simplement interdites de piscine dans le règlement de copropriété. Ça ferait "mauvais genre"et ça ne serait pas apprécié par les propriétaires. Navrée, je m'égare ... je devais parler des points positifs.

Quant aux adultes, la question ne se pose pas, ils bossent !!! On ne les voit qu'après 19h mais l'attroupement concerne plutôt la salle de gym qui présente l'avantage (ça dépend pour qui) d'être climatisée. Allez, je reconnais qu'il y en a bien 4 ou 5 qui font des longueurs mais ça s'arrête là. Sachant que notre condo comporte 2 tours de 31 étages, soit 124 appartements F4 et 62 F2, je vous laisse imaginer la cohue si l'ensemble des résidents se retrouvait autour du grand bassin.

La piscine vue de notre terrasse. A droite, le bassin de 50 m.
A gauche, légèrement surélevés, les BBQ pit et le parcours sportif

Quoiqu'il en soit, pour nous, c'est une véritable aubaine et nous apprécions NOTRE piscine, NOTRE jaccuzzi et NOTRE hammam comme il se doit.

Pavillion 11

Notre résidence est située dans le quartier de Novena.

Ce quartier est peu connu de la plupart des expatriés français ou francophones qui sont majoritairement regroupés en 3 catégories :

1- Les voisins du Lycée Français ou LFS (quartiers d'Ang Mo Kio et de Serangoon plutôt excentrés)

2- Les expatriés dont les revenus permettent la location de maisons ; c'est assez rare à Singapour et vous pouvez donc imaginer les prix (Holland village, Bukit Timah et Tanglin)

3- Les amateurs de bord de mer (quartier d'East Coast), abordable, très vivant mais hélas très éloigné du LFS.

Vous l'aurez compris, le LFS a été très structurant dans notre choix. Les filles allant à l'école en bus scolaire et il était important que ce trajet soit le plus court possible. Plutôt central, Novena nous permet d'être relativement proche du LFS et du centre où travaille Olivier. Le quartier n'étant pas fléché "expatrié", les tarifs sont plus abordables, ce qui nous permet de rester en dessous de notre house allowance. 

Du coup, il y a peu de français, mais des singapouriens, des australiens, coréens, japonnais, indiens, etc. Les contacts sont lents, la barrière de la langue et de la culture bien présente. Petit à petit, nous sympathisons avec quelques familles.... autour de la piscine dont une australienne, une coréenne et une métisse de la Barbade.

N'étant pas habitué aux étages élevés, et par souci de sécurité, nous avons privilégié un étage bas (solidarité conjugale oblige, je confirme que ça n'a rien à voir avec la propension aux vertiges de mon cher et tendre). La fois, où nous avons croisé dans l'ascenseur une personne allant au 31è étage, les filles étaient impressionnées. Elle a reconnu que la vue est magnifique mais que les trajets ascenseur était longs. Le 4è étage nous permet aussi de profiter de la verdure environnante. Mmm, je vous vois sourire, si, si, j'entrevois un sourire ironique.. Je me doute que la verdure n'est pas le premier synonyme qui vient à l'esprit lorsqu'on évoque la ville de Singapour mais il est grand temps de se défaire de cette idée. Singapour est aussi prénommée la ville-jardin.

Enfin, nous apprécions aussi le calme de notre résidence posée dans une enclave où il y a très peu de vis-à-vis même si la station de métro la plus proche est à 756 m (erreur fatale car il est impossible de couvrir cette distance à pied sans avoir besoin de re-prendre une douche).

Le bonheur si je veux peux ! 

A ce stade, il me semble évident de préciser que le condominium est l'apanage des singapouriens les plus riches et des expatriés dont le package inclut une aide pour le logement. En moyenne, la location mensuelle pour un F4 va de 3000 à 10 000€ selon le quartier, l'âge ou la situation du condo.

La majorité des singapouriens - ainsi que la masse des travailleurs immigrés malais, indiens, indonésiens - n'a donc pas les moyens d'assumer les coûts exorbitants d'un condo. Pour info, il n'existe pas de salaire minimum à Singapour - contrairement à la Malaisie et à la Thaïlande voisines - mais le salaire moyen d'un ouvrier de nettoyage est d'environ 616 SGD (**). Bon, je m'égare à nouveau, Grrrr !!!

Un signe extérieur de richesse 

En majorité, les singapouriens sont logés dans des HDB (83% des résidents sachant que 90% de ces résidents sont propriétaires de leur appartement) - Source hdb.gov.sg.

Grosso modo, le  HDB est l'équivalent de notre HLM - en plus moche. Le ministère du logement doit se baser sur le même plan depuis 50 ans, plan qui a dû lui même être hérité de l'ex URSS. Ceci dit, les surfaces habitables sont très confortables et conformes aux standards locaux. Si le design extérieur est plutôt rebutant, les HDB sont très bien entretenus, beaucoup disposent de la climatisation, d'espaces de jeux pour les enfants et, contrairement à nos barres HLM, peuvent être situés dans des quartiers où le prix du m² est très élevé. La politique du logement est très efficace, des quotas existent pour garantir l'équilibre ethnique. Mais le plus important reste du côté du portefeuille : la facture chute en moyenne de 50%. 

Ces dernières années, 2 nombreux HDB ont été rénovés et constituent une réelle alternative au condominium. De nombreux expatriés ayant fait le choix du condo reconnaissent leur erreurs face aux prix exorbitants et au poids du logement dans leur budget.

Dans ce cas, pourquoi est ce que la majorité des expatriés vivent en condo, même ceux qui ne bénéficient pas d'une allowance logement ?  Pourquoi accepter de payer un loyer élevé et se plaindre ensuite du coût de la vie ? Question de statut ? Certes les HDB n'ont pas de piscine ni aucun des équipements standards des condos mais cela suffit-il à expliquer ce rejet par la plupart des expatriés ? 

• hypothèse N° 1 - l'attrait du troupeau : on cherche spontanément à retrouver du connu lorsqu'on vit à l'étranger. Singapour abritant la seconde communauté de français d'Asie, avec environ 14000 français recensés,  il est très facile de côtoyer ses compatriotes. Il y a bien sûr le "quartier français" autour du LFS mais même dans les autres quartiers, il  existe des condos de Français. Cela facilite les contacts en arrivant, permet de développer son réseau, de trouver des copains aux enfants et surtout un cercle de connaissances à proximité. Dans une mégalopole, c'est un avantage indéniable. Hélas, ces avantages peuvent aussi constituer un frein à la rencontre et à la découverte dans un pays étranger. On reste entre français, on consomme français, on parle français et notre quartier singapourien finit par ressembler aux Batignolles. Beau quartier certes mais pas très local comme style. 
• Hypothèse N°2 : une mutation à l'étranger est forcément synonyme de top-up salarial. D'où à la fois l'envie de s'offrir le meilleur et de montrer aux autres sa réussite, notamment aux amis et à la famille qui ne manquera pas de nous rendre visite. Ce serait la honte d'accueillir belle maman dans une magnifique barre, non ? Comme symbole de réussite, on fait mieux ! Et quelles photos pourrions-nous bien poster sur les réseaux sociaux ?
• Hypothèse N°3 : Singapour est une ville réputée pour son nombre de résidents millionnaires (1 foyer sur 6, soit environ 180 000 familles). De plus, l'étalage de sa richesse est très bien vu dans la culture asiatique. Du coup, les expatriés se retrouvent dans une situation de compétition avec leurs homologues. En intégrant le condo, ils côtoient la "crème" singapourienne. Déjà qu'on n'a pas les moyens de s'offrir une voiture, on va pas en plus aller vivre avec les "pauvres". Notre statut d'expatrié en prendrait un sérieux coup. 

Vous l'aurez compris, l'espace de vie et le confort au quotidien est un des atouts indéniable de notre déménagement. C'est aussi le plus évident en arrivant. Pour les autres, il faut laisser le temps au temps. Puis-je me projeter dans un HDB dans 2 ans ? c'est une bonne question. Même si les transports publics sont très efficaces, les déplacements consomment du temps lorsqu'on ne dispose pas d'une voiture. Peut-être que la perspective de vivre en plein centre me fera changer d'avis. A moins que ce ne soit l'opportunité d’emménager dans une surface 2 fois plus grande, pourquoi pas ? A suivre donc !!!!

(*) Contrairement à notre loi Carrez, le calcul des surfaces des logements singapouriens intègrent les terrasses, balcons, etc. 
(**) Singaporean dollar